‘’Le contexte est marqué par une horde de personnes qui n’ayant pas réussi ailleurs se tournent vers le monde de la radio pour se trouver de quoi vivre…’’ Cyrille Bojiko.
A la faveur de la célébration de la 133e édition de la Journée Mondiale de la Radio le 13 février dernier, le professionnel du micro, par ailleurs PDG de Balafon Radio dresse un état des lieux peu élogieux de la Radio diffusion dans le contexte qui est le nôtre.
Entretien mené par Sandrine BABO
Sandrine Babo : Quand on dit ‘’la Radio’’, qu’est-ce que ça vous inspire ?
Cyrille Bojiko : c’est l’outil de communication par excellence pour ne pas dire par essence.C’est le moyen leplus accessible d’interconnexion entre les personnes,des groupes sociaux,c’est le moyen le plus facile d’avoir accès à l’information parce que la Radio on peut l’écouter en tout temps et en tout lieu, on peut l’écouter dans sa chambre, à son lieu de travail, on peut l’écouter au volant de sa voiture,on peut l’écouter en faisant autre chose. Donc la Radio n’est pas un outil encombrant, elle ne bouffe pas le temps des gens. Mais c’est une excellente compagne. La radio est notre compagne c’est-à-dire une compagne qui n’est pas encombrante, qui n’est pas exigeante mais qui a toute son utilité.
S.B : Selon vous la Radio tel qu’elle est servi aujourd’hui joue-t-elle encore son rôle de média de proximité, de media de l’instantanéité ?
C.B : oui et non.Oui parce qu’il y’a des puristes du métier qui ont gardé toute la sphère de la Radio mais il y’a des gens qui ont apporté leur conception de la Radio.Mais vous savez que la société évolue.Bien maintenant il y’en a qui offrent ce qu’ils offrent et puis ça rencontre une certaine attention d’un certain public.Maintenant est-ce que la Radio est faite comme elle devrait être faite ? Il faut dire que dans ce cas la société étant évolutive encore, la communication étant un monde qui est en perpétuelle mutation, la Radio également connait ces évolutions. Nous restons dans les fonctions traditionnelles, les missions traditionnelles de la Radio.
S.B : Dans un contexte qui est le nôtre, quel état des lieux de la Radio dressez-vous au Cameroun en général et dans la ville de Douala en particulier ? Les habitants de la capitale économique écoutent-ils encore la Radio ?
C.B : Bien sûr. Vous n’avez qu’à jeter un coup d’œil sur les dernières audiences,la dernière Médiamétrie,vous allez voir que les gens de Douala écoutent beaucoup la Radio.D’abord c’est une ville d’affaire et c’est une ou on ne veut rien rater(…) on est porté sur la Radio soit pour de programmes de divertissement mais de moins en moins soit sur de la musique un peu plus, sur l’information beaucoup plus, les débats encore plus. Donc vous comprenez que la Radio a toute sa place dans la ville de Douala. Pourquoi ? Parce que les gens veulent s’informer aujourd’hui. Le monde étant devenu un village planétaire, les gens ne veulent plus être à la traine, personne ne veut plus être à l’écart de l’évolution du monde, de la société et c’est à travers la Radio qu’on a l’évolution de la société. Lorsque les autorités prennent des mesures, lorsqu’il y’a de nouvelles décisions, lorsqu’il y’a de nouvelles informations, vous savez l’information impacte le quotidien des gens. Et c’est d’ailleurs là que l’information revêt tout son sens parce qu’il y’a le côté utilitaire de l’information. Quand une information n’est pas utile, ça ne vaut pas la peine de la diffuser, elle n’a pas sa place sur une antenne de Radio. On ne peut pas vivre sans Radio, c’est très compliqué parce que la Radio participe à l’évolution de la société.
S.B : Vous êtes à l’antenne tous les jours, on vous écoute tous les matins, quelle lecture faites-vous de la relation qui lie l’auditeur au professionnel du micro précisément de la radio ?
C.B : C’est d’abord une relation basée sur la confiance. Vous savez les gens vous écoute et la confiance se construit, elle ne se décrète pas, elle ne se proclame pas, elle se construit. Celui qui place l’aiguille sur votre fréquence à une heure précise sait ce qu’il vient y chercher le plus souvent et vous devez garder cette relation de confiance là, vous devez savoir déjà pourquoi on vous écoute, ce qu’on attend de vous. Chacun a une attente de la Radio, chacun a une attente d’une information, chacun a une attente d’un programme. Alors vous devez déjà identifier les besoins de l’auditeur. Qu’est-ce qu’il attend de vous et maintenant êtes-vous capables de lui produire ce qu’il attend, de combler cette attente là et c’est le défi permanent du professionnel de la Radio (…) Avec la montée des médias sociaux, des fake news et des informations qui vont dans tous les sens aujourd’hui,chacun peut se mettre à dire n’importe quoi sut twitter, whatsapp et facebook et s’est repris partout y compris par certaine Radios. Vous allez comprendre qu’aujourd’hui, la préférence c’est la Radio, c’est la Radio traditionnelle. Lorsqu’une rumeur est propagée, est diffusée, hier on la relayait, on y croyait, mais depuis que les fake news ont révélé leur véritable visage, quand une information est diffusée sur facebook, on attend ce que la Radio va en dire parce que c’est le professionnel de la Radio qui va apporter un démenti ou carrément il va confirmer l’information. Vous voyez que la Radio maintenant joue son rôle de régulateur social en termes de gestion du flux d’information. Donc en ce moment-là on remet la Radio au centre des débats, au centre de la discussion et au centre de la vie des populations d’où notre plus grande vigilance à rester davantage professionnel parce que les gens qui nous écoutent attendent de nous des choses qui soient exactes, fiables, vérifiables et viables et qui soient surtout constructives pour la société.
S.B : Parlons à présent de la qualité du contenu des programmes radiophoniques et de la qualité des hommes et femmes qui portent ces émissions. Que diriez-vous ?
C.B : Les programmes radiophoniques répondent à deux facteurs. Le contexte et les hommes qui font les programmes. Au niveau du contexte on a un problème de formation. C’est une ruée de tout le monde vers la Radio.Beaucoup même sans formation, même si on n’a pas été dans une école de communication, on peut au moins apprendre sur le terrain,on peut poser des questions à des ainés,on, peut faire l’effort intellectuel de vouloir comprendre comment on fait ce métier (…) Nous avons une lourde responsabilité c’est que nous sommes des acteurs socio-majeurs,nous sommes les ministres de l’opinion publique comme j’aime à le dire,on doit faire très attention.On a de plus en plus des qui vont dans ce métier parce qu’ils veulent juste plaire à eux,ils veulent faire un métier qui leur plait,ils veulent parler à la Radio,se faire un nom,jouer des stars,On fait la Radio pas pour devenir une star mais une icône,une icône à partir des faits d’armes,à partir des articles publiés,de la qualité,de la pertinence des sujets abordés et de l’impact que ça a sur la société,sur la vie de chaque personne.Donc c’est en ce moment que la pertinence a tout son sens.Il y’a aussi le fait que le contexte est marqué par une horde de personnes qui n’ayant pas réussi ailleurs se tournent vers le monde de la Radio pour se trouver de quoi vivre et là aussi ce n’est pas mauvais mais il faut seulement qu’ils se conforment à la discipline du métier,qu’ils respectent les canons de la profession parce que j’écoute souvent certaines Radios ou on des met à parler des vies privées des gens,on commence à vociférer.Au niveau des programmes,ils doivent répondre à des besoins spécifiques des populations.Lorsqu’on crée une émission en Radio c’est pour résoudre quel problème? Vous allez voir qu’il y’a des Radios qui ont des émissions qui ne sont pas écoutées parce queça ne résout pas les problèmes des gens.C’est-à-dire quand vous écoutez,l’émission est vide, ça manque de substance parce que justement il n’y a pas eu de projet derrière.Une émission de Radio est un véritable projet qui est bâti sur un produit qui doit apporter une solution à un besoin précis sinon ce n’est pas une émission Radio,c’est le remplissage d’antenne.Vous savez que notre dans métier il y’a deux types de personnages.Il y’a des gens qui sont dans le métier,mais il y’en a qui sont du métier.Il y’en a qui parlent à la Radio mais il y’en a qui font de la Radio.C’est deux choses différentes.
S.B : Un coup de gueule ?
C.B : Mon coup de gueule justement va à l’endroit de ceux qui pensent qu’ils peuvent se lever un matin, aller se mettre au micro et parler sans avoir appris le métier, sans avoir appris aux cotés des ainés ou des références, sans avoir lu des manuels sur le métier, sans assister aux séminaires, aux conférences, aux formations ,sans écouter les autres parce qu’il ne suffit pas de parler à la Radio mais il faut en faire carrière, il faut faire carrière dans la Radio, c’est différent de parler à la Radio. Tout le monde peut parler à la Radio mais il y’a très peu qui font de la Radio parce que la Radio doit produire des émotions, des sensations mais surtout la Radio doit apporter des solutions aux problèmes des populations et si on ne vit pas la vie des gens dans une cité, on ne saura jamais quel type de Radio on fera pour ces gens-là.